Convoqué lundi 3 juin, le député LREM Mustapha Laabid comparaissait devant le tribunal correctionnel de Rennes pour abus de confiance. La sérénité affichée par le prévenu au début du procès a été mise à mal. Le jugement a été mis en délibéré au 6 août.
C'est accompagné de la porte-parole de la République en Marche, Carole Gandon, et du député LREM d'Ille-et-Vilaine, Florian Bachelier, que Mustapha Laabid s'est présenté lundi en début d'après-midi au tribunal correctionnel de Rennes.
Serein avant l'audience
Le député LREM de la 1ère circonscription du département comparaissait pour "abus de confiance".
Attendant d'être jugé, l'élu a assuré être "serein. Je suis là pour m’exprimer... enfin, a-t-il ajouté. Ça fait un an et demi que je subis (...) Je n’ai rien commis d’illégal. »
Près de 22 000 euros concernés
Mustapha Laabid est accusé d'avoir utilisé à des fins personnelles une partie des fonds d'une association d'insertion rennaise, "Collectif Intermède", dont il était président avant son élection en juin 2017.
Selon le parquet de Rennes, 21 930 € auraient ainsi servi à payer des repas (pour plus de 15 000 €), des achats divers dans des commerces (magasins de sport, de bricolage, de vêtements) ou encore des paiements de téléphonie, d'hôtels et d'amendes. 21 930€ sur 96 000€ de subventions publiques versées par la ville de Rennes et différents ministères.
L'enquête avait été confiée à la Direction Interrégionale de Police Judiciaire de Rennes.
Premières contradictions
A la barre, le député ne s'est pas drapé dans son immunité parlementaire, répondant volontiers aux questions de la présidente du tribunal. Mais au fil de l'audience, la confiance du début se fissure quelque peu.
La présidente commence par interroger le député sur les activités de l'association. Elle s'étonne de ne pas voir de traces des événements que Mustapha Laabid prétend avoir organisés dans le cadre de l'association, à raison "d'un évènement au moins toutes les deux semaines".
"Dans ce cas, où sont les factures, les réservations écrites, pouquoi les enquêteurs n'ont-ils trouvé aucune trace de la publicité que vous prétendez avoir faite via les réseaux sociaux ?", interroge la présidente.
Mustapha Laabid rétorque être "un piètre communicant". Et d'ajouter:"Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit".
Faux en écriture
Un autre détail gênant pour le prévenu, c'est la façon dont l'association a été dissoute le 1er septembre 2017. A la barre, Mustapha Laabid reconnait avoir signé le procès verbal de dissolution à la place du trésorier et du secrétaire.
"Des produits pour la famille ont pu être intégrés par inadvertance à des courses pour l'association c'est vrai"
Lorsque suit l'inventaire interminable des dépenses effectuées pendant trois années avec la carte bancaire de l'association, de nouvelles précisions viennent ébranler un peu plus la sérénité de Mustapha Laabid. Ainsi, sont évoqués les achats répétés de yaourts à boire, de fournitures scolaires à la veille de la rentrée, de Playmobils, des articles d'Halloween, de gels douche et autres lingettes... et "beaucoup de lait ribot", ironise la présidente. "C'est très apprécié dans les quartiers", explique le prévenu.
Des nuits aux Pullman de Marrakech et Paris
"Des produits pour la famille ont pu être intégrés par inadvertance à des courses pour l'association c'est vrai", concède toutefois Mustapha Laabid. Plus difficile à justifier, en revanche, l'achat d'huile d'argan. Idem pour les factures d'hôtel Pullman à Marrakech et Paris payées avec la carte de l'association. Des factures de 500 et 1000 euros sont évoquées à trois reprises.
Mustapha Laabid reconnait sa part d'erreur mais nie avoir voulu tricher. "Lors de l'enquête j'ai dû éplucher trois années de dépenses en cinq heures. Alors, oui, il a pu y avoir des oublis, des erreurs", explique-t-il. Son avocat prend alors la parole: "Au final, Mr Laabid a tout remboursé à l'association. La balance est même débitrice pour mon client!".
Six mois de prison avec sursis et 5 ans d'inéligibilité requis
"Peut-on accepter ces manquements réitérés comme des erreurs ?" Pour le procureur, la somme des faits permet de penser qu'ils sont volontaires. Il requiert six mois de prison avec sursis et cinq ans d'inéligibilité.
Un complot politique selon la défense
De son côté, l'avocat de Mustapha Laabid regrette une enquête menée est à charge contre son client et développe la thèse d'un complot politique, évoquée par le député LREM en amont de son procès. "Le signalement à Tracfin intervient quand mon client sollicite les urnes alors qu'on a rien eu à redire pendant 10 ans."
Peu avant 20 heures et au terme de quatre heures d'audience, le jugement a été mis en délibéré au 6 août.